NOTES
La bonne vraisemblance des circonstances matérielles des deux « mots » de Machiavel et de Voltaire - dont nous n'avons trouvé trace nulle part - ne compense pas tout à fait l'invraisemblance de leur contenu. On imagine mal Voltaire, tout conservateur qu'il fût, traiter ses propres oeuvres de « niaiseries » et se faire le promoteur d'une littérature censitaire ou d'une philosophie de classe. Quant à Machiavel, comment pourrait-il vouloir « pousser les masses à bout » par un livre dont il recommanderait l'interdiction?
Il n'empêche qu'il y a une intuition profonde dans l'équivalence de la censure et de la permissivité, l'une remettant à la force l'annulation du pouvoir spirituel des livres, que l'autre attend de l'indifférence.
Le Dictionnaire critique, littéraire et bibliographique des principaux livres condamnés au feu, supprimés ou censurés de G. Peignot (Paris, 1806) indique, à l'article consacré au Prince: « On assure qu'il était d'un caractère obligeant et que toutes les personnes remarquables de Florence l'estimaient et s'assemblaient dans les jardins de Cosmo-Ruccelaï pour jouir des agréments de sa conversation, de sa familiarité et de ses lumières. »
Jean de Médicis (1498-1526), condottiere, était surnommé Jean des bandes noires non parce qu'il commandait des bandes armées d'une noirceur morale particulière (ou faisant commerce des pierres des châteaux et des églises) mais parce qu'il avait fait teindre en noir les bannières blanches et violettes du pape Léon X pour lequel il combattait. Chaudon et Delandine donnent une explication légèrement différente de ce surnom dans l'article MEDICIS (Jean de) qui pourrait avoir nourri l'imagination de Hugo: « Il fut blessé à Governolo, petite ville du Mautouan, d'une arquebusade dans le genou; et s'étant fait transporter à Mantoue, il y mourut le 29 novembre 1526, à l'âge de 28 ans. « Comme on lui dit, rapporte Brantôme, ayant été blessé a la jambe, qu'il falloit des gens pour le tenir pendant qu'on la lui couperoit: Coupez hardiment, repondit-il, il n'est besoin de personne; et tint lui-même la bougie pendant qu'on la lui coupa, le duc de Mantoue étant présent. » Varchi rapporte le même trait. Jean de Médicis étoit d'une taille au-dessus de la moyenne, fort et nerveux; il avoit la carnation blanche, les yeux et les cheveux noirs: c'est le portrait que nous en a laissé Tomasini. Ses soldats s'habillèrent de noir, et prirent des enseignes de la même couleur, pour témoigner leurs regrets de sa perte; ce qui fit surnommer l'infanterie Toscane qu'il avoit commandée, les Bandes Noires. »
Le récit de Brantôme se trouve au tome II, p. 10 de ses Oeuvres complètes (La Haye, 1740) que Hugo avait consultées pour Lucrèce Borgia. Il mentionne les « vieilles bandes noires » de Jean de Médicis sans expliquer leur nom (t. VII,p. 272).
Le Traité de l'art militaire de Machiavel commence par l'éloge de Cosimo Ruccelaï qui était un de ses amis.